PAUL NIZAN, UN PROFESSEUR AU SERVICE DES OUVRIERS, EN 1932

2022 est une année électorale ; une occasion pour nous de vous proposer un retour en arrière de 90 ans et d’évoquer les élections législatives de 1932, qui se déroulent dans une période de difficultés économiques.

Une crise économique

Le début des années 1930 est marqué par les suites de l’effondrement brutal de la bourse de New-York en octobre 1929. Les répercussions sont un peu plus tardives en France mais se traduisent aussi par l’accroissement du chômage qui se prolonge tout au long de l’année 1931. Et le conseil municipal de Bourg-en-Bresse décide de réactiver la caisse municipale de chômage, créée dix ans plus tôt, le 25 mars 1921. Après une étude en séance plénière, il adopte le nouveau règlement d’attribution des allocations lors de sa séance publique du 13 novembre 1931 et le transmet au ministère du Travail, pour ratification « pour une mise en application d’urgence, en raison de la crise de chômage qui s’annonce imminente et qui va frapper un grand nombre d’ouvriers à Bourg [1] ».
Après les amendements proposés, le « règlement du fonds municipal de chômage » fait l’objet d’une nouvelle délibération le 21 décembre 1931 et il est approuvé par le ministère le 10 janvier 1932. Ce fonds est géré par une commission de contrôle composée du maire, président, ou de son adjoint, de deux conseillers municipaux, de deux patrons et de deux ouvriers. « Les membres patrons et les membres ouvriers sont nommés par arrêté du maire. Ils seront choisis de préférence parmi les administrateurs de syndicats professionnels ou de conseils de prudhommes. Ils appartiendront, autant que possible, aux professions ayant un grand nombre d’ouvriers au chômage [2]. » Les conditions d’attribution des secours sont aussi définies.
La crise s’aggrave partout. À Oyonnax même, « l’approvisionnement des magasins pour les fêtes de Noël et du nouvel An qui, en période normale, provoque un travail intense dans les industries de la place, se fait peu sentir cette année. » À Bourg-en-Bresse, « tout le monde a remarqué le nombre invraisemblable de camelots qui viennent, chaque mercredi, débiter des marchandises de tous genres et d’origine impossible à contrôler. On croit savoir que beaucoup sont des chômeurs lyonnais qui se sont ainsi improvisés commerçants [3]. »
La presse nationale commente abondamment la crise économique et, pour la résoudre, un professeur propose « de supprimer le travail féminin. L’homme seul travaillerait et la femme reviendrait à sa fonction traditionnelle qui est de tenir sa maison et d’élever les enfants ». Pour le féminisme, ce serait renoncer à soixante ans de conquête et une lectrice locale réagit aussitôt : « il vaut mieux laisser les femmes chercher, dans un travail honorable, leur subsistance ou celle de leur famille, afin d’éviter d’être à la charge de l’État ou d’être poussées (les jeunes surtout) au plus avilissant des métiers, la prostitution [4] ».

La ville et ses habitants se mobilisent pour aider les chômeurs. Courrier de l’Ain du 3 décembre 1931.

Des soupes populaires

Dès la fin de cette année 1931, une commission municipale dresse « d’urgence la liste des menus travaux à entreprendre immédiatement, sans formalités administratives, afin d’occuper les chômeurs qui commencent à se présenter nombreux ». La situation s’aggrave et les ʺsoupes populairesʺ sont mises en place à partir du 18 janvier 1932 à l’initiative de la Société Saint-Vincent-de-Paul, « dans un local spécialement aménagé au fond de la Grenette [où] la soupe épaisse de pois cassés est servie [5] ». Cette action suscite des dons venant de la part de commerçants, d’organismes ou d’individus. Fin janvier, le service passe de 167 à 210 rations car le froid s’est installé et il va durer quelques semaines.
Constitué le 20 janvier, un Comité de chômeurs adresse une lettre de revendications au maire, demandant des indemnités plus fortes pour le travail sur les chantiers municipaux et une prise en charge des soupes populaires par les services municipaux.
Le 1er mars 1932, le conseil municipal adopte justement la liste des travaux dressée par l’ingénieur « pour l’amélioration des divers chemins vicinaux ordinaires de la commune. Ce projet comporte une solution pratique immédiate pour atténuer la crise du chômage ». La dépense nécessaire est votée pour les « travaux en régie, partie à la tâche, partie à la journée, contrôlés par un chef de chantier à pied d’œuvre ».

Une vue (postérieure à 1932) de l’arrière de la Grenette où étaient distribuées les soupes populaires. A.M. Bourg. 33Fi0163.

Une polémique

Quelques jours plus tard, près de 250 chômeurs sont rassemblés dans l’annexe de la salle des fêtes de Bourg-en-Bresse. Organisée par la CGTU (Confédération générale du travail unitaire [6]), cette réunion est animée par Paul Nizan, agrégé de philosophie, professeur au Lycée Lalande, et militant communiste. Il s’en prend aux conseillers municipaux et les qualifie de « bande d’illettrés au point de vue social ». Il ajoute : « je lis partout que ce Conseil fait ce qu’il peut pour les chômeurs : la presse, qui répand ce bruit, ment [7] ».
Ces propos sont repris par cette presse locale, plutôt hostile au communisme, qui exploite les propos excessifs du professeur et le double caractère d’une réunion, d’abord syndicale mais conduite par un leader politique. Comme ce dernier répond, une polémique s’engage et s’amplifie. Le Journal de l’Ain n’a pas attendu cette réunion pour fustiger un professeur « qui loge dans un hôtel de premier ordre, [porte] gants de chamois, gilet de bonne coupe et chapeau avec le pli impeccable », qui œuvre pour des chômeurs aux « pantalons fatigués et casquettes [8] ».
En parallèle au chômage, le contexte économique difficile incite des notables à créer, localement, une Ligue des contribuables, comme déjà dans 70 départements. Le président est M. George, avocat, le secrétaire M. Descher, négociant, et le trésorier M. Laurent-Lafougère de l’Union commerciale et industrielle de l’Ain. De nombreux syndicats professionnels y adhèrent. Le but de la Ligue est « l’étude et la défense des intérêts économiques des contribuables. Elle se propose de poursuivre énergiquement l’assainissement des finances publiques. Elle entend réclamer, dans tous les domaines, la réduction au strict nécessaire des dépenses des communes, du département et de l’État [9] ». La Ligue anime de nombreuses réunions dans les communes des environs.

Des élections législatives

La situation se stabilise, le nombre de chômeurs n’augmente plus et devient insignifiant en juin. Le public et la presse peuvent désormais s’intéresser aux futures élections législatives des 1er et 8 mai 1932. Dès le mois de décembre, le préfet avait jugé : « Le département de l’Ain est une contrée essentiellement agricole, il ne possède que peu d’industries, et je ne prévois pas que la crise économique puisse avoir, sur l’ouvrier, une influence de nature à l’orienter vers les idées extrêmes. (…) L’attention des paysans est, en général, retenue davantage par les soucis de leur exploitation que par la campagne électorale [10]. »
Au premier tour, la participation est de 79,6 % dans l’Ain, en baisse de près de cinq points par rapport à 1928. L’arrondissement de Bourg est divisé en deux circonscriptions, avec les cantons de Bourg, Ceyzériat, Coligny, Pont-d’Ain et Treffort pour la première, et ceux de Bâgé-le-Châtel, Montrevel, Pont-de-Vaux, Pont-de-Veyle et Saint-Trivier-de-Courtes pour la deuxième. Le second tour se déroule dans un contexte bien particulier car, la veille, le 7 mai 1932, le président de la République, Paul Doumer, est assassiné par un jeune immigré russe. Au second tour, sur les 14 590 voix, Michel Tony-Révillon bat, de 64 voix, le sortant Pierre de Monicault, soutenu par le Journal de l’Ain, dans la première circonscription. Prosper Blanc est réélu dans la seconde circonscription avec 52,3 % des voix.
Pour l’ensemble de la France, ces élections marquent une nette progression du Parti radical et radical-socialiste qui progresse de 48 sièges. Son leader est le Lyonnais Édouard Herriot, venu à Bourg-en-Bresse le 28 avril. La salle des fêtes était comble et des haut-parleurs avaient été installés pour la foule massée sur le cours de Verdun et la place de la Grenette. De plus, son intervention a été diffusée, sur la France entière, grâce à « l’installation du micro, relié au central téléphonique et au poste de T.S.F. de Lyon-La Doua, pour retransmettre à tous les postes d’État, le discours de M. Herriot [11] ». Déjà président du Conseil des ministres en 1924, il l’est à nouveau du 3 juin au 14 décembre 1932.

Édouard Herriot, au centre, photographié par Georges Devred, au Congrès du Parti Républicain Radical et Radical Socialiste à Paris en novembre 1931. © Wikimédia Commons.

Paul Nizan, communiste

À ces élections, le défenseur des chômeurs, Paul Nizan, se présente au titre du Parti communiste. Avant d’arriver à Bourg-en-Bresse, Paul Nizan, né à Tours (Indre-et-Loire) le 7 février 1905, a été admis à l’École normale supérieure de Paris en 1924 avec son ami Jean-Paul Sartre et il obtient son agrégation de philosophie en 1929. Il est alors nommé au Lycée Gambetta de Cahors, « poste qu’il ne rejoint pas, pour convenances personnelles ». Intéressé par la politique dès 1925, adhérent au Parti communiste en 1928, il se rend en Russie où il séjourne d’octobre 1930 à août 1931, avec son épouse Henriette. Ils se sont mariés le 23 décembre 1927.
Les Renseignements généraux dressent une note à son propos, en avril. « Il arrive à Bourg le 18 novembre 1931, loge en compagnie de sa femme à l’Hôtel de l’Europe, où il prend pension jusqu’au 2 février 1932, date à laquelle il loue un logement, quai Reyssouze n°3. Un mois après, [il] s’installe, rue des Tanneries, n°1.
Dès son arrivée à Bourg, M. Nizan s’intéresse au sort des ouvriers et reçoit, à l’hôtel, des visiteurs réputés comme agitateurs extrémistes, qui surprennent son entourage, ses chefs, ses collègues. Se substitue aux ouvriers pour présenter, en leur nom, des revendications concernant le chômage. Violentes attaques de sa part contre la municipalité de Bourg.
Dès le 9 février 1932, il commence à faire de la polémique avec le ʺCourrier de l’Ainʺ. Quelques jours après, [il] fait une conférence à Lent (Ain) et déclare à l’assistance qu’on devrait planter le drapeau rouge dans les entrailles des bourgeois. Il attaque violemment le régime actuel, il est si virulent dans ses termes que le maire de cette commune marque, en public, sa complète désapprobation [12]
. »
La même note ajoute que les parents d’élèves s’alarment du comportement de ce professeur et qu’il est « le représentant actif du Parti communiste ; sa femme elle-même partage ses doctrines. (…) Il possède une machine à écrire, reçoit de nombreux journaux russes, des lettres portant le timbre de Moscou, accueille les délégués communistes d’Oyonnax, reste en étroite relation avec eux (…). Sévèrement jugé par le corps universitaire, il est et reste, pour l’Université, un véritable fléau social. ».

Un banquet de la cellule du Parti communiste de Bourg-en-Bresse en 1932. Paul Nizan est en bout de table, au fond. © D.R.

Fortement impliqué mais non élu

La presse locale ouvre ses colonnes essentiellement aux ʺcandidats établisʺ. Paul Nizan s’implique fortement dans la préparation de ces élections. La réunion publique du Parti communiste rassemble de 350 à 400 personnes à la salle des fêtes de Bourg-en-Bresse le jeudi 7 avril. Les deux candidats, Francisque Dulac et Paul Nizan, « vantent l’admirable organisation de l’URSS et critiquent le régime capitaliste qui est un régime de faillites, de crise économique, de politique réactionnaire et de guerre ». Après leurs exposés, les socialistes [13] (SFIO) cherchent à perturber la réunion mais M. Brun, « grand mutilé de guerre, délégué à la propagande du PC, reste indémontable et cingle vertement socialistes et réformistes [14] ».
Pour leurs tracts, les deux candidats reprennent un document fourni par le Parti, avec des emplacements pour leur photographie et leur présentation personnelle. Au premier tour, Francisque Dulac obtient 447 voix (3,1 %) et Paul Nizan 338 voix (2,7 %). Respectant la consigne du Parti, « utiliser la campagne électorale pour la conquête des ouvriers réformistes, pour la réalisation du front unique avec eux [15] », ces candidats se maintiennent au second tour mais ne recueillent que 62 voix (0,4 %) et 80 voix (0,6 %). La "discipline républicaine" a été respectée.
À l’issue de l’année scolaire, Paul Nizan quitte Ceyzériat, son dernier domicile, et son lycée, refuse un poste à Auch, abandonne l’enseignement et s’engage totalement au service du Parti communiste, sans négliger ses activités d’écrivain.

Le portrait de Paul Nizan figurant sur ses tracts. A. D. Ain. 3M498.
Un extrait du tract de Paul Nizan. A.D. Ain. 3M498.

Le témoignage de l’épouse

Beaucoup plus tard, dans ses Libres mémoires, publiés en 1989, Henriette Nizan évoque l’épisode burgien du couple : la prise de contact avec la ville, les quelques communistes locaux, la frugalité de leur vie, les réunions politiques dans les environs et jusqu’à Oyonnax, la prise en charge financière de la campagne électorale et l’épuisement de leur voiture. Tout était consacré à l’engagement politique, mais Paul Nizan ne négligeait pas ses cours ni ses élèves du lycée.
Une anecdote a suscité beaucoup de commentaires. Henriette Nizan arborait des gants et un bonnet rouges qu’elle avait reçus de sa tante qui pensait que cet équipement serait bien adapté pour aller au ski avec les représentants de la bourgeoisie locale. Ce loisir ne figurait pas parmi les activités des Nizan mais Henriette les portait régulièrement et leur couleur était alors interprétée comme un symbole politique. Dans son ouvrage, Henriette Nizan prénomme toujours son époux Paul-Yves, tout comme Jean-Paul Sartre dans ses souvenirs [16]. Paul-Yves dans le cercle privé et Paul pour les activités publiques ?

Retour sur un épisode des législatives de 1932

La seconde circonscription a donc vu la réélection du député sortant Prosper Blanc, républicain modéré. Maire de Saint-Martin-le-Châtel, il se déplaçait beaucoup à vélo, coiffé d’un chapeau et toujours muni d’un parapluie. Cette silhouette était connue de toute la Bresse. Sur le plan politique, il était quelque peu opportuniste et la presse s’en amusait : « élu en 1928 par les électeurs de gauche contre un candidat de droite, il se trouve aujourd’hui à représenter les modérés de sa circonscription. (…) Il va droit dans le chemin qu’il s’est tracé, fait ses petites affaires et les petites affaires de ses électeurs, sans se soucier des coups qu’il reçoit tantôt d’un côté, tantôt de l’autre [17] ».
Après le premier tour de 1932, des électeurs l’interpellent par un tract intitulé « Monsieur Prosper Blanc, répondez » car ses actes parlementaires n’ont pas toujours été en harmonie avec son programme de 1928. Lui prétexte de l’exagération mais deux chansonniers bressans brocardent ce passé récent. Comme la presse l’a déjà écrit, il mène son chemin et reste un chantre de la Bresse et de la ruralité. Comme beaucoup d’autres députés, il accordera sa confiance à Pétain, en juin 1940.

Le député Prosper Blanc, maire de Saint-Martin-le-Châtel. © D.R.

À BOURG-EN-BRESSE, EN 1932

Un avion

Ce début d’année 1932 est dramatique pour les chômeurs mais, dans une ville peu industrialisée, la vie continue pour les nombreuses associations qui organisent leurs activités habituelles. Et l’Aéro-Club de l’Ain propose une conférence sur l’aviation commerciale avec le pilote Jacques Mortagne, auteur du record du monde de distance en 1926 et du record du monde de vitesse en 1929. Le club attend d’ailleurs la livraison d’un nouvel avion bi-place, un "Potez 36", Ville de Bourg, peint en vert et noir, les couleurs de la ville ; une série d’avions « qui ont réllement donné naissance à l’aviation de tourisme dans les années 1930 [18] ». Livré au mois de juin 1932, cet avion est victime d’un accident le 30 juillet, la veille du meeting de l’Aéro-Club. Au cours d’un vol d’essai, juste après avoir décollé, il s’écrase et se détruit sur les arbres de la forêt de Seillon, sans faire de victime.
L’Aéro-Club acquiert, en 1933, un nouveau "Potez 36" qui connaîtra de multiples péripépies. L’épave est aujourd’hui en cours de restauration au Musée européen de la chasse à Montélimar (Drôme).

L’avion Ville de Bourg. Journal de l’Ain du 13 juin 1932.

Une violoniste

Toujours en ce début d’année, la ville accueille la jeune violoniste Ginette Neveu, âgée de treize ans, qui éblouit le public bressan au cours de ses deux concerts à la salle des fêtes. Talent précoce, elle confirme en remportant le concours Wieniawski de Varsovie en 1935, à l’âge de 15 ans, en devançant le Russe David Oïstrakh (1908-1974). Elle s’affirme ensuite comme une soliste internationale, avant de disparaître, le 28 octobre 1949, dans l’accident d’avion qui la conduisait aux États-Unis [19]. Parmi les 48 victimes, figurent également son frère Jean, pianiste, et le célèbre boxeur Marcel Cerdan.
Un concert de Georges Enesco (1881-1955), compositeur roumain, est annoncé à Bourg pour un concert en avril 1932, qui n’est pas confirmé par un compte rendu de presse.

Ginette Neveu. Photographie parue dans Le Franc-parler du 20 avril 1932.

Le vote féminin

Au cours de ces élections, le désarmement, le maintien de la paix et la volonté d’Hitler d’accéder au pouvoir en Allemagne sont des sujets souvent évoqués. Au Parlement français, le droit de vote est accordé aux femmes, pour la quatrième fois, le 31 mars 1932, par 446 voix contre 60 mais, le 7 juillet 1932, le Sénat le repousse par 253 voix contre 40.
Parmi les candidats locaux, seuls ceux du Parti communiste souhaitent accorder aux femmes « des droits civiques et politiques égaux à ceux des hommes » (sur un document national). Le Courrier de l’Ain se prononce aussi pour le vote des femmes. Entre les deux tours, la section locale de l’Union française pour le suffrages des femmes organise une réunion en présence de la présidente nationale, Mme Brunschwieg.

En avril 1928, le Courrier de l’Ain avait publié, en première page, cette action des militantes féministes à Paris, où elles dénonçaient déjà le refus du Sénat.

En résonance avec notre époque...

Journal de l’Ain du 1er juin 1932.

ÉPILOGUE

Paul Nizan se met au service du Parti communiste et son épouse signale qu’il est revenu à Bourg-en-Bresse en mars 1935, pour animer une réunion politique. Il ne néglige pas son activité littéraire et son ouvrage, La conspiration, lui vaut le Prix Interallié en 1938. Farouchement anti-fasciste, il démissionne du Parti communiste au moment de la signature du pacte germano-soviétique du 23 août 1939.
Mobilisé à la déclaration de guerre en septembre 1939, il est interprète auprès des Anglais lors de l’offensive allemande de mai 1940. Il est tué au matin du 23 mai 1940 au château de Cocove, à Recques-sur-Hem (Pas-de-Calais, à 20 km de Calais). Sans nouvelle de son mari, juive, en n’ayant aucune confiance en Pétain, Henriette Nizan émigre aux États-Unis avec ses deux enfants dès l’automne 1940 [20]. La famille n’apprendra la mort brutale de Paul Nizan qu’en août 1941 par une lettre de la châtelaine de Recques-sur-Hem.
Jusqu’après la chute du Mur de Berlin, Paul Nizan reste un renégat pour le Parti communiste [21]. Dans les années 1960, son œuvre romanesque, « l’une des plus remarquables de l’entre-deux-guerres », tirée de l’oubli grâce à son ami Jean-Paul Sartre, est bien accueillie et ensuite publiée en Livre de poche. Des critiques associent volontiers le romancier à Jules Vallès (1832-1885), autre écrivain engagé.
En 1934, Paul Nizan a publié les impressions que lui a laissées la ville de Bourg-en-Bresse [22] dans une notice où perce « une simplicité agressive et parfois schématique » ; un bémol parfois associé à son oeuvre.
À vingt-deux ans, dans son carnet, Paul Nizan avait écrit : « Mourir pour son pays, il est encore plus beau de vivre pour lui ».

Paul Nizan reçoit le Prix Interallié en 1938. © D.R.
Henriette et Paul-Yves Nizan en Espagne en 1933. © D.R.
Paul Nizan (X), soldat de l’armée française en 1939, à Romanswiller (Bas-Rhin, 25 km de Strasbourg). © D.R.
« Sur la place du marché qui s’allonge devant le théâtre et la Grenette, les étalages de forains ont bâti une cité de piquets et de toiles qui claquent au vent sorti des avenues ». Paul Nizan.

Rémi Riche

Janvier 2022
Avec la participation de Gérard Augustin, Claude Brichon, François Chaume, François Dufour, Gyliane Millet, Fanny Venuti.
Archives départementales de l’Ain
Archives municipales de Bourg-en-Bresse
Médiathèque Élisabeth et Roger Vailland

Document à télécharger

[1A.M. Bourg. 1D51.

[2A.M. Bourg. 1D52.

[3Courrier de l’Ain des 4 et 23 décembre 1931.

[4Courrier de l’Ain des 9 et 11 décembre 1931.

[5Journal de l’Ain du 20 janvier 1932.

[6Elle a existé de 1921 à 1936, en étant liée au Parti communiste français. CGT et CGTU se réunifient en 1936.

[7Courrier de l’Ain des 6 et 9 février 1932.

[8Journal de l’Ain du 27 janvier 1932.

[9Courrier de l’Ain du 9 février 1932.

[10A.D. Ain. 4M498.

[11Courrier de l’Ain du 28 avril 1932.

[12Note du 14 avril 1932. A.D. Ain. 4M498.

[13Le candidat du Parti socialiste SFIO de la 1ère circonscription est Émile Kahn, 56 ans, agrégé d’histoire et de géographie, journaliste.

[14A.D. Ain. 4M498, pour les deux citations.

[15Cité par le Courrier de l’Ain du 11 mai 1932.

[16Les mots, de Jean-Paul Sartre. Gallimard. 1964.

[17Courrier de l’Ain du 24 avril 1932.

[18François Chaume. Comité d’histoire de l’aviation des Pays d’Ain

[19France Musique lui a rendu hommage pour le centenaire de sa naissance et les émissions peuvent être écoutées en podcast dans la série, Mon cœur est un violon, de Marina Chiche.

[20Elle entreprend les démarches avant-même le vote, par le Régime de Vichy, de la première loi concernant le Statut des Juifs, le 3 octobre 1940.

[21Le député d’Oyonnax, René Nicod (1881-1950), subira le même ostracisme, pour les mêmes raisons.

[22Présentation d’une ville A.D. Ain. D838.

Partager cette page

  • Partager par mail
  • Partager sur Facebook
  • Partager sur Twitter