La ferme du Tremblay à Saint-Trivier-de-Courtes

 

 

La ferme du Tremblay à Saint-Trivier-de-Courtes fait partie d'une des trente-trois dernières fermes à cheminée sarrasine de Bresse. Laisser un tel édifice s'écrouler aurait occasionné une perte irrémédiable pour le patrimoine départemental. 

 

Une acquisition de longue haleine

L'intérêt de Patrimoine des Pays de l'Ain pour la ferme du Tremblay à Saint-Trivier-de-Courtes remonte à 1987. L'Union avait déjà envisagé le rachat de la ferme mais des problèmes d'indivision avaient fait échouer le projet. A cette époque, la ferme n'est plus habitée et encore moins exploitée. La déshérence aide au vieillissement prématuré des bâtiments. En 1994, devant la menace de disparition de la cheminée sarrasine suite à l'effondrement de la toiture, le Service Départemental de l'Architecture finance la pose provisoire d'une toiture en tôle. Ce sauvetage permet au bâtiment d'habitation d'être à l'abri des intempéries pour plusieurs années.

2000 : vue aérienne de l'ensemble des bâtiments avant restaurationVue aérienne de l'ensemble des bâtiments avant restaurationAprès la vente du manoir de la Charme en 1998, Patrimoine des Pays de l'Ain envisage de conduire un nouveau chantier. Au vu des conclusions des Assises du Patrimoine d'octobre 1999, il ressort que la ferme du Tremblay nécessite des travaux d'urgence, faute de quoi, elle disparaîtra du patrimoine départemental. S'en suivent alors des négociations avec les propriétaires, conscients qu'eux seuls ne peuvent rien faire. L'intérêt pour cette ferme est doublée par la menace d'implantation d'une canardière à proximité. Un tel projet d'implantation d'un élevage industriel de canards à quelques mètres du bâtiment l'aurait condamné inexorablement.

Soutenant la démarche de M. Desbat, Architecte des Bâtiments de France, Patrimoine des Pays de l'Ain devient au final acquéreur de cet ensemble en avril 2000, avec comme condition préalable le déplacement de la canardière. Sous cette pression et reconnaissant la valeur intrinsèque de ce patrimoine, les autorités compétentes - DDAF, DDE, Préfecture - se sont alors concertées et ont abouti à un accord satisfaisant : le surcoût lié au déplacement de la canardière pourrait être pris en charge par l'Etat dans le cadre de l'établissement des nouveaux Contrats Territoriaux d'Exploitation (CTE).

Une gestion en cohérence de ce dossier permet donc de démontrer que la sauvegarde du patrimoine n'est pas incompatible à un essor économique et industriel local.

Pour assurer la réussite de ce chantier, il était nécessaire que tous les acteurs du patrimoine, de l'échelon associatif jusqu'à l'Europe, se mobilisent. Le pari est gagné. Ainsi, la ferme du Tremblay étant inscrite à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques, Patrimoine des Pays de l'Ain a bénéficié de fait de subventions provenant de l'Etat et du Département de l'Ain pour les tranches de restauration. D'autres financements sont venus de la Région avec le Contrat Global de Développement Bresse Revermont Val de Saône, dans le cadre du soutien au développement touristique. Même l'Europe a apporté sa contribution. Le canton de Saint-Trivier-de-Courtes étant éligible au niveau européen, les aides du programme Objectif 2 (2000-2006) ont été obtenues dans le cadre d'une sous mesure destinée à « aménager et protéger pour sa valorisation le patrimoine culturel, touristique, naturel, urbanistique et industriel ».

 

Historique de la ferme du Tremblay

Etymologiquement, le terme "Tremblay" ne laisse aucun doute quant à son origine, une ancienne forêt de trembles dont il ne subsiste aucune trace aujourd'hui.

 Ferme du Tremblay (Dessin Benjamin Malatrait) Ferme du Tremblay
(Dessin Benjamin Malatrait)
Mentionné en 1302, le fief du Tremblay appartient aux Moreau, seigneurs dudit lieu. Ensuite propriété des seigneurs de Montsymont, Vescours et Montalibord, ce domaine avec dîme échoit à Claude Maréchal, seigneur du Tremblay qui le reçoit en héritage de son père, Jean Claude Maréchal, en 1655. Le 23 mai 1720, le domaine comprenant maisons d'habitation, granges, écuries à bétail, jardins, curtils, prés, terres, bois, champs et broussailles est vendu 45 000 livres au marquis d'Entragues, Comte de Saint-Trivier-de-Courtes. A la Révolution, le domaine ne fut pas vendu comme bien national, bien que le Marquis d'Entragues fut décapité, mais resta dans la même famille jusqu'en 1839. Plusieurs propriétaires se sont ensuite succédés jusqu'à nos jours.

Grâce à une étude dendrochronologique, la cheminée sarrasine du Tremblay a été datée de 1550 et de nombreux éléments de la charpente de 1353. Quant aux carrons, ils proviennent vraisemblablement des anciennes fortifications et du château moyenâgeux de Saint-Trivier-de-Courtes, pillés entre 1790 et 1794. La multiplicité de matériaux différemment datés ne laisse aucun doute qu'en à sa construction tardive. Des détails font cependant penser au XIXème siècle. Mais dans l'état actuel des recherches, seule une expertise complète des bois de l'édifice permettraient de conclure.

L'ensemble des bâtiments de la ferme du Tremblay (bâtiments d'habitation, d'exploitation, four-porcherie et mare) est inscrit à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques depuis le 11 juin 2003. Cela permet d'affirmer l'intérêt historique, architectural et patrimonial de cet ensemble agricole de la Bresse.

 

Descriptif de la ferme du Tremblay

Située sur un terrain d'un hectare au milieu du bocage bressan, la ferme du Tremblay est constituée de trois bâtiments :

  • l'habitation en carrons savoyards,
  • le bâtiment grange-étable en pisé présentant une remarquable galerie en bois appelée " être " en façade sud,
  • le bâtiment four-porcherie en pisé

et d'un puits en pierre au centre de la cour près d'une mare au nord du bâtiment d'habitation.

 

Les travaux réalisés

Patrimoine des Pays de l'Ain est propriétaire de cette ferme depuis avril 2000 et a effectué de nombreux travaux de gros œuvre.

Dans un premier temps, il a fallu entreprendre des travaux d'urgence sur le bâtiment d'habitation : assainissement, toiture à réviser, maçonnerie à consolider, aménagement des abords, mise en sécurité du bâtiment four-porcherie.

La suite des restaurations sur le bâtiment d'habitation a lieu en 2002-04:

  • La charpente a été reconstituée en chêne à l'identique. La couverture a respecté l'habitat traditionnel en utilisant des tuiles canal de récupération pour le couvert ;
  • La maçonnerie extérieure a été rejointoyée là où les murs étaient fragilisés. Les moellons et enduits ciment ont été ôtés pour retrouver la façade en briques ;
  • Le plancher de l'étage a été intégralement refait ;
  • Les menuiseries ont été entièrement refaites à neuf en respectant les techniques ancestrales : volets, portes intérieures et extérieures, impostes, fenêtres. Deux escaliers, un monumental en chêne et un en sapin permettent de desservir l'étage. Le portail moderne a été remplacé par un portail en chêne.
  • La « maison », pièce principale d'habitation, a retrouvé ses volumes originels après les travaux de plafond et de démolition des cloisons.
  • Le dallage en pierre a été révisé et les dalles remises là où elles avaient disparu.
2002 : emplacement de l'ancien portail 2002 : emplacement de
l'ancien portail
2005 : portail en chêne reconstitué à l'identique2005 : portail en chêne reconstitué à l'identique2005 : Bâtiment d'habitation en façade est 2005 : Bâtiment d'habitation en façade est  

Le bâtiment d'exploitation grange-étable a été restauré en 2005 :

  • Le pignon sud a du être repris en maçonnerie pour accueillir la charpente là où la couverture avait disparu depuis de nombreuses années.
  • La charpente a été reconstituée à l'identique sur toute la surface. La couverture a respecté l'habitat traditionnel en utilisant des tuiles canal de récupération pour le couvert ;
  • La base des piliers en bois de l'être, cette partie couverte ouverte sur l'extérieur, a été reprise.

Comme pour les chantiers précédents, le dossier de restauration est suivi et instruit par M. Desbat, Architecte des Bâtiments de France, afin de garantir une qualité d'exécution dans le respect du style et des techniques architecturales propres au bâtiment.

Désireuse de faire connaître son action en matière de restauration du patrimoine, l'Union a participé à plusieurs concours nationaux. Les travaux ont été primés en 2004 à l'occasion des Prix Rhônalpins du Patrimoine organisés par Patrimoine Rhônalpin en remportant le premier prix « projet ».

2005 : Vue panoramique (180°) de la ferme restaurée2005 : Vue panoramique (180°) de la ferme restaurée

 

Projets de réhabilitation

Les bâtiments de la ferme du Tremblay se prêtent particulièrement à la mise en place d'un centre d'animation, comprenant salles d'exposition, de conférence, à disposition des associations, des entreprises ou encore des particuliers.

Patrimoine des Pays de l'Ain souhaitait également y voir développé des capacités d'hébergement. Une étude d'aménagement de la ferme confiée au cabinet d'architecture Mégard de Châtillon-sur-Chalaronne a permis de montrer les potentialités du site.

La charpente à blochets du bâtiment d'habitation (45 m x 11 m) laisse un espace sous comble aménageable au centre duquel se trouve la hotte de la cheminée sarrasine. Le rez-de-chaussée peut recevoir plusieurs chambres, pièces d'habitation et une salle commune. La succession de granges et étables du bâtiment d'exploitation (40 m x 11 m) facilite la création de gîtes ruraux.

Juin 2005 a vu l'achèvement des travaux et la vente de la ferme avec l'objectif de Patrimoine des Pays de l'Ain atteint : faire de cet ensemble un lieu de convivialité ouvert au public. Les propriétaires ont décidé de se lancer dans cette aventure tout en faisant de la ferme leur lieu d'habitation.

La ferme du Tremblay - 2010La ferme du Tremblay - 2010